Marie pleurait sur les pieds de Jésus (Chester Brown)

Chester Brown. – Marie pleurait sur les pieds de Jésus. – Paris : Cornélius, 2016. – 269 p.


Bande dessinée







Résumé : Quel rôle les femmes ont-elles joué dans la grande histoire de la Bible ? À quels moments le corps et la sexualité ont-ils influencé le récit de ce mythe fondateur ?

En s’interrogeant sur les raisons qui poussent Matthieu à intégrer cinq histoires de femmes dans sa généalogie de Jésus, Chester Brown développe un point de vue audacieux sur l’usage du corps et de l’argent dans les Évangiles. Il s’approprie ainsi neuf passages, extraits des Écritures, qui remettent en question le tabou de la prostitution, la fonction première du don et l’obéissance aveugle à Dieu.

Les destins croisés de Tamar, Rahab, Ruth, Marie et Bethsabée nuancent l’idéologie enracinée d’un corps féminin procréateur et immaculé. Loin d’être puni, le travail sexuel apparaît comme un état de fait, où la femme devient complice de la volonté de Dieu. De la même manière, les adorateurs imbéciles qui suivent avec acharnement les consignes du Tout-Puissant ne sont pas pour autant récompensés. Bien au contraire, désobéir permet de prouver sa valeur.

Commentaires : Chester Brown est un auteur de bandes dessinées d’origine montréalaise plutôt étonnant. Ici, encore une foi dans une BD très documentée, à la fois ambitieuse et, jusqu’à un certain point impudique, celui-ci nous offre une interprétation personnelle des liens naturels entre la religion, la prostitution et l’obéissance à l’autorité divine. Tout en s’appuyant sur de nombreuses sources, dont certains textes de la Bible. La question qui se pose : Marie, mère de Jésus, était-elle une prostituée ? Et Jésus condamnait-il la prostitution ? À une époque où des femmes comme Bethsabée, Ruth, Rahab et Tamar (quatre prostituées que l’apôtre Mathieu a intégrées dans la généalogie de Jésus en rédigeant son évangile quelques années après la crucifixion du Christ). Elles qui auraient fait ce choix de vie afin d’améliorer leur statut social.

Intéressante perspective de débats qui nous amènent à remettre en question la moralité d’une époque où la normalité d’une pratique était possiblement acceptée, action rédemptrice en opposition aux commandements d’un Dieu dominateur. Intéressant aussi quand on sait que les préceptes religieux qui découlent du Livre saint continuent de prôner jusqu’à aujourd’hui l’abstinence sexuelle avant le mariage. Et qu’en est-il de la réalité ? …

Chester Brown nous présente chacune des neuf histoires qui composent cet ouvrage sans artifice. En complément, il commente et analyse sur plusieurs pages (près du tiers de l’ouvrage) à partir d’une impressionnante documentation, résultat d’une recherche colossale. Le résultat est fort convaincant avec des textes sans artifice et un dessin d’une simplicité déconcertante qui caractérise les BD de cet auteur canadien. Le tout incrusté à raison de quatre cases par page qui mènent à l’essentiel de la thèse mise de l’avant.

Une lecture fort agréable à anticiper malgré un titre qui, de prime abord, est plutôt intriguant. Un ouvrage qui démontre, lui aussi, comment l’interprétation historique d’une autre époque (ici, sur des thèmes liant la sexualité, l’argent et la morale) peut se nuancer sur la base de recherches approfondies. Comme quoi, tout n’est jamais complètement noir ou complètement blanc lorsqu’on relit l’histoire de l’Humanité.

Ce que j’ai aimé : Le sujet évidemment. Entre autres, la représentation visuelle de Dieu, lorsqu’Il interagit avec certains personnages.

Ce que je n’ai pas aimé : -


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