Crimes au musée (Collectif sous la direction de Richard Migneault)

Collectif sous la direction de Richard Migneault. – Crimes au musée. – Montréal : Druide, 2017. 345 pages.


Nouvelles noires







Résumé : Peut-on imaginer des crimes dans des lieux de culture, d’histoire et de conservation que sont les musées ? Absolument ! En réunissant des auteures de part et d’autre de l’Atlantique, Richard Migneault offre un tour d’horizon du polar au féminin, à la fois délicieux et déstabilisant.

Les dix-huit écrivaines réunies relèvent le défi de s’approprier ces lieux où le calme règne et en font, chacune à sa façon, la scène d’un crime. Elles dénaturent ce monde de tous les imaginaires en transformant les œuvres qui s’y trouvent en témoins de la violence, de l’horrible et du machiavélique. Crimes d’honneurs, meurtres passionnels, vengeance, copie meurtrière d’une œuvre d’art… Qu’on soit simples visiteurs, touristes ou gangsters aux mains rougies par le sang, tous les coups sont permis.

Commentaires : Les maisons d’édition n’acceptent pas facilement la publication de recueils de nouvelles. Avec des auteurEs de qualité, Richard Migneault vient de réussir un triplé qui fait mentir cette assertion. Après Crimes à la librairie et Crimes à la bibliothèque, voici qu’il nous propose ces crimes au musée publiés simultanément ou presque (le Québec a dû patienter quelques semaines) des deux côtés de l’Atlantique. Dix-huit auteures et autant de courts récits, certains plus efficaces que d’autres.

De premier abord, ces nouvelles noires dans le milieu des arts s’inscrivent dans la foulée de celles associées au monde littéraire que j’avais lues avec beaucoup de plaisir.

Une nouvelle est, par définition, un récit plus court que le roman, de construction dramatique simple, mettant en scène peu de personnages. Ceux-ci se doivent être crédibles et l’auteur doit les faire évoluer dans des décors authentiques, parfois dans des scènes d’action enlevantes et, dans la littérature de genre qu’est le polar, avec une finale dramatique inattendue. En quelques pages, une trame fictionnelle efficace, intrigante, émouvante, voire drôle et imaginative, qui débouche sur la pleine satisfaction du lecteur amené, parfois, à ne découvrir le pot aux roses que sur les derniers mots du dernier paragraphe.

Crimes au musée regroupe près d’une vingtaine de courts textes qui répondent à ces critères, en tout ou en partie, à des niveaux variables. Parmi ceux-ci, mes coups de cœur :

Mobsters’ Memories, d’Andréa A. Michaud, un carnage drolatique au cœur d’un musée américain, remporte la palme. Le second linceul d’Ingrid Desjours, où l’essentiel de l’action se déroule derrière un rideau de velours rouge. La vieille, de Martine Latulippe : très court texte fort émouvant. Renaissance, de Nathalie Hug : quand le mensonge justifie le crime. La mort à ciel ouvert, de Florence Meney et sa finale inopinée. Le retraité, de Marie-Chantale Gariépy et son musée qu’il vaut mieux ne pas visiter.

Avec une mention spéciale pour La mystérieuse affaire du codex maya, de Stéphanie de Mecquenem, qui nous plonge efficacement, en 13 pages, dans l’univers romanesque d’Agatha Christie.

À vous maintenant de créer votre propre palmarès en fonction de vos attentes.

Mentionnons enfin que la formule imaginée par Richard Migneault est originale : le milieu culturel comme vecteur de crimes plus ou moins sordides. Elle contribue très certainement à mieux faire connaître la littérature « polardienne » et noire auprès d’un lectorat à conquérir. Et à découvrir de nouveaux auteurs. Pour rester dans la même veine, à quand des crimes dans les archives, au théâtre, dans le monde du spectacle… pour compléter le tableau ?

Ce que j’ai aimé : La grande variété des récits et la haute qualité littéraire de chaque texte. L’universalité des thèmes abordés.

Ce que j’ai moins aimé : -

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À qui la faute ? – Une enquête de Maud Graham (Chrystine Brouillet)

Chrystine Brouillet. – À qui la faute ? – Une enquête de Maud Graham  – Montréal : Druide, 2017. 381 pages.


Polar







Résumé : Ils se connaissent depuis longtemps. Leurs enfants font du sport ensemble. Toutefois, si la vie de famille les réunit, des liens pernicieux se sont tissés entre certains… qui les désuniront au fil d’événements tragiques ayant pour point de départ un incident à l’aréna. Mais est-ce bien ce moment qui a tout fait basculer ? Plusieurs dangers ne les menaçaient-ils pas déjà, larvés dans leurs existences en apparence tranquilles ? C’est ce que Maud Graham et ses enquêteurs de Québec devront fouiller pour comprendre comment le drame a pu frapper avec autant de force ces familles qu’on aurait dites sans histoire…

Des secrets dévoilés, des trahisons, des innocents qui s’accablent de reproches, alors que des coupables nient leur responsabilité… Une intrigue inattendue et poignante, dénouée par la rigueur et la sensibilité de Graham et de son équipe.

Commentaires : Le personnage fétiche de Chrystine Brouillet, Maud Graham, est de retour. Dans un récit qui se déroule, en partie, dans le milieu des arénas et de la compétition sportive, le monde des jeunes adolescents poussés à la performance extrême par leurs parents. Une thématique originale pour y camper une enquête policière sur une série de morts suspectes.

Petit conseil avant d’en commencer la lecture : sachez que l’auteure nous plonge dans un univers aux multiples personnages. Dès la première page, dressez progressivement un tableau pour y départager les différents protagonistes qui s’ajoutent de chapitre en chapitre : il vous sera plus facile de suivre l’action en vous y référant, sachant qui est le conjoint ou la conjointe de qui, qui est l’enfant de qui, qui est le frère ou la sœur de qui, qui couche avec qui, qui est l’ami de qui, qui fréquente qui…? J’ai regretté de ne pas l’avoir fait : j’en ai arraché jusqu’à un peu plus de la moitié du roman où le scénario prend vraiment son élan.

Il y a deux enquêtes dans ce polar : la principale concernant le milieu familial et sportif qu’il m’a été difficile de localiser physiquement dans la ville de Québec; la parallèle, celle qui semble secondaire, portant sur une série de viols commis dans le quartier Limoilou. Et vous devinez qu’il y a un lien entre les deux à un point tel que c’est la solution de la deuxième enquête qui met un point final à la première, de manière plutôt abrupte, à mon point de vue. Dans les dernières pages, comme c’est généralement le cas dans tout bon polar qui se respecte. Jusqu’à un certain point, j’en suis resté sur ma faim dans le dénouement tragique de cette affaire qui a très certainement eu un impact sur les relations entre les différentes familles sur lesquelles s’était longuement attardée l’auteure.

Dans un autre ordre d’idée, je ne peux passer sous silence une invraisemblance « géographique » évidente pour qui connaît certains quartiers de la ville de Québec : cette traque, par une froide soirée d’hiver, de Mylène, pour découvrir où demeure Tom, qui la conduit à pied de la 10e rue à Limoilou jusqu’aux habitations du Quai Saint-André dans le Vieux-Port. Un périple à pied d’environ trois kilomètres qui m’a semblé extrême pour une adolescente de son âge !

En conclusion, À qui la faute ? est un roman que j’ai trouvé somme toute intéressant, avec une Maude Graham toujours aussi perspicace et pour qui on ouvre même un restaurant généralement fermé un lundi soir afin de satisfaire ses découvertes culinaires !

Ce que j’ai aimé : Les points de repère (rues, bars, parcs) dans le quartier Limoilou, quartier de mon enfance. Le rythme accéléré dans les derniers chapitres. Les hypothèses contradictoires des enquêteurs jusqu’à la découverte de la solution.

Ce que j’ai moins aimé : J’aurais condensé davantage la première partie qui présente les liens qui unissent ou désunissent les différentes familles et fourni davantage de réponses demeurées en suspens, dans la finale, sur les conséquences de l’arrestation du meurtrier sur ces interrelations.

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Jusqu'à l'impensable (Michael Connelly)

Michaël Connelly. – Jusqu’à l’impensable. – Paris : Calmann-Lévy, 2017. 388 pages.


Polar







Résumé : Harry Bosch, retraité du LAPD malgré lui, tente de tuer le temps en remontant une vieille Harley lorsque Mickey Haller, son demi-frère avocat de la défense, lui demande de l’aide. Il ne voit en effet que Bosch pour l’aider à innocenter Da Quan Foster, un ex-membre de gang accusé d’avoir abattu à mort la directrice adjointe des services municipaux de West Hollywood. Même si la preuve est accablante, Haller en est sûr, son client est innocent. Dilemme pour Harry ! Passer du côté de la défense quand on a travaillé avec passion pour la police de Los Angeles toute sa vie ? Tout simplement impensable.

Commentaires : D’entrée de jeu : du bonbon ! J’ai lu tous les romans de Michael Connelly qui ont été publiés, en français, sur papier. Jusqu’à l’impensable est très certainement un de mes préférés. Il met en scène les deux demi-frères, l’un avocat et l’autre ex-policier, qui unissent leur perspicacité afin de résoudre une affaire, somme toute, assez complexe. Connelly maîtrise les tenants et aboutissants du système judiciaire américain, plus particulièrement de celui de l’état de la Californie, de l’univers des avocats et de leurs manigances pour remporter leurs causes et, évidemment, des enquêtes policières. Et ce roman n’échappe pas à cette caractéristique qui crédibilise chacune des enquêtes de Mickey Haller et de Harry Bosch.

Jusqu’à l’impensable est, ce qu’on appelle un polar captivant (en anglais, on dirait un « page turner », expression pour laquelle il n’existe pas d’équivalent en français). La cause est perdue à l’avance, Bosch ne veut pas franchir la ligne jaune et passer du côté de la défense, mais si l’accusé l’est injustement, il justifiera sa décision dans son désir de justice et d’identifier le véritable coupable.

Je l’ai mentionné précédemment, Harry Bosch est un policier à la démarche rigoureuse qui ne laisse de côté aucun élément qui puisse faire progresser son enquête. Pourtant ici, je me demande pourquoi, vers le milieu du récit, il n’a pas fait une vérification auprès du principal intéressé à propos d’un certain préservatif ? Une petite faiblesse pardonnable dans l’intrigue. Aussi, comment se fait-il que des communications soient si déficientes du côté de l’accusation qui ne semble pas au fait des derniers documents que lui a transmis la défense ? Mais bon, ces détails ne gâcheront nullement votre plaisir de tenter de dénouer cette affaire, les indices s’accumulant progressivement jusqu’à la conclusion finale. Un classique dans cette littérature de genre.

Un incontournable pour les amateurs de polars en souhaitant que Michael Connelly, en nomination pour le Prix international décerné par la Société du roman policier de Saint-Pacôme, en collaboration avec les libraires indépendants du Québec, en soit le récipiendaire.

Bien hâte de découvrir la nouvelle série qui mettra en vedette Renée Ballard, une jeune détective qui doit faire ses preuves au LAPD.

Ce que j’ai aimé : Tout, de la première à la dernière page.

Ce que j’ai moins aimé : -


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En ces bois profonds (François Lévesque)

François Lévesque. – En ces bois profonds. – Montréal : Tête [Première], 2017. 187 pages.


Thriller







Résumé : Une adolescente née dans d’étranges circonstances est entraînée par sa mère dans un hameau reculé au cœur de la forêt boréale. Rivière-aux-Hiboux : lieu honni qui fut le théâtre d’une secte dont la plupart des membres sont morts plusieurs années auparavant dans un suicide collectif. Après le décès de sa grand-mère, cette jeune femme devient l’une des deux dernières survivantes de cette secte, et l’héritière de la maison familiale où tout a commencé.

Une descente infernale dans les méandres de la folie. Ici, les croyances l’emportent sur la raison et les légendes autochtones s’entremêlent aux aspirations messianiques d’un certain Nicolas Jones, guérisseur patenté et gourou.

Commentaires : C’est le premier roman de François Lévesque que je lis. Critique de cinéma, cet auteur a à son actif quelques polars, romans noirs et d’épouvante. Ici, on est en présence d’un « thriller fantastique atmosphérique » ou d’un « thriller rural » comme le qualifient certains lecteurs.

Écrit à la première personne, ce suspense est fort bien ficelé. Le lecteur est amené à découvrir progressivement l’univers inquiétant et les affres de la vie quotidienne d’une jeune fille de 17 ans qu’elle enregistre dans un journal qu’elle tient à jour. Solitaire, tourmentée et introvertie, victime de « danses du diable », crises d’épilepsie passagères, à la recherche des circonstances non moins nébuleuses et du « pays » de sa conception.
Adolescente physiquement défavorisée, en conflit avec sa mère « ni vraiment danseuse, ni vraiment serveuse » dans un bar montréalais qui s’offre des extras en ramenant régulièrement des hommes à la maison.

Sur fond de légendes amérindiennes à propos d’un lac fictif, le lac Misiginebig habité dans un serpent mythique, mère et fille s’y retrouvent après la mort de la grand-mère qui, dans son testament, a planifié ce retour. Consanguinité, délires mystiques, secte messianique dirigée par un gourou tout droit sorti du Nouvel Âge... tous les méandres de la folie, au détour des sentiers sombres de la forêt qui mènent au rivage du lac maléfique.

En ces bois profonds est un court roman avec lequel il est impossible de faire de longues pauses de lecture : la fin d’un chapitre en appelle un autre. Impossible de décrocher d’un texte incrusté d’images fortes telles que la mise bas de cette couleuvre verte avec l’association des couleuvreaux naissants avec les caillots des menstruations de l’adolescente, pour ne mentionner que celle-là.  Un récit qui précipite le lecteur dans les méandres de la folie et qui vous fera frissonner dès les premières pages « Tapi sous la brume, tapi sous l’eau dormante…quelque chose… Quelque chose d’enfoui. » Le monstre du lac, le père, le serpent …et en finale, « ... l’horreur sans nom ».

Ce que j’ai aimé : La forme bien adaptée au récit : paragraphes composés le plus souvent d’une courte phrase, tout au plus de deux ou trois.

Ce que j’ai moins aimé : En fait, je me suis demandé pourquoi, dans sa narration, le personnage insiste pour définir certains termes soi-disant abscons qu’elle utilise. Il faudrait que l’auteur s’explique, considérant que la clientèle visée par ce roman est adulte.


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Red Light T.2 Frères d’infortune (Marie-Ève Bourassa)

Marie-Ève Bourassa. – Red Light T.2 Frères d’infortune. – Montréal : VLB éditeur, 2016. 374 pages.


Roman noir







Résumé : Près de deux ans après les événements d’Adieu, Mignone, Eugène Duchamp dépoussière à nouveau son costume de détective privé. Cette fois, il part à la recherche d’une adolescente de bonne famille, disparue alors qu’elle était venue faire la noce dans les quartiers chauds de Montréal. Des tripots du Red Light aux clubs noirs de la Petite-Bourgogne, Duchamp suit la piste d’un dangereux proxénète, accompagné bien malgré lui dans son enquête par la sœur de la disparue, une séduisante pimbêche. Pour ne rien arranger, un ancien collègue policier qu’il avait contribué à faire mettre derrière les barreaux vient d’être libéré.

Commentaires : Comme l’indique la quatrième de couverture, le « deuxième tome de la trilogie Red Light ouvre grand les portes du Montréal interlope des années folles, où les marchands de vices, divisés en deux clans puissants, se livrent une guerre de territoire sans merci. » Il s’inscrit dans la suite logique de la première enquête d’Eugène Duchamp qui, même si elle fait intervenir deux ou trois nouveaux personnages, nous replonge dans une époque noire de l’histoire de Montréal. En poussant un peu plus loin les descriptions des lieux de perdition encore plus sinistres.

Les commentaires publiés antérieurement concernant la première partie de cette trilogie s’appliquent : intrigue bien ficelée avec un dénouement inattendu, crédibilité de l’ensemble du récit, bon rendu de l’atmosphère glauque des bars, des cabarets et des bordels, des rivalités de gangs (italiens, chinois, juifs), des complots crapuleux entre malfrats…

Hâte de lire le dernier volet qui s’intitulera Le sentier des bêtes.

Ce que j’ai aimé : Tout.

Ce que j’ai moins aimé : -


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Bandini (John Fante)

John Fante. – Bandini. – Paris : Christian Bourgeois éditeur, 1985. 267 pages.


Roman







Résumé : Arturo Bandini est un gamin criblé de taches de son et couronné d’une tignasse en colère. Un râleur, désolé d’être le fils d’une mère passivement amoureuse et bigote et d’un père maçon, violent, incertain et cavaleur. Amoureux d’une étoile filante et indifférente, sa petite camarade de classe à la santé fragile, haï par ses maîtres et pairs, Arturo passe son temps à détruire d’une main ce qu’il a construit de l’autre. Bon et méchant, généreux et voleur, il est à la fois la glace et le feu, la tendresse et la rancœur.

Commentaires : Je ne connaissais pas John Fante (1909-1983), ce fils d’immigrant italien romancier, essayiste et scénariste américain. C’est un ami Facebook de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, qui anime un blogue littéraire (Francksbooks), qui m’a fait découvrir son premier roman paru en 1938, en m’en recommandant la lecture. Et quelle découverte !

Récit « autobiographique romancé » d’un jeune italo-américain qui aspire à devenir un vrai américain, né au mauvais endroit, dans un Colorado aux hivers rigoureux, dans la mauvaise famille, et dont le triste sort semble scellé dans une existence miséreuse. Comment rester insensible aux descriptions du quotidien de ce jeune garçon ambivalent qui, pour donner un sens à sa vie, ment à son entourage et se ment à lui-même.

Dans Bandini, John Fante a eu le grand talent de décrire, avec un réalisme cru, un ensemble de personnages, certains plus attachants les uns que les autres, qui évoluent dans le misérabilisme quotidien d’une certaine couche de la société américaine issue de l’immigration qui ne semble avoir d’autre issue que sa pérennisation.

Et comme le qualifiait sur son blogue, Frank Chanloup, le 13 juillet 2017, ce roman a été « écrit avec le cœur et les tripes, tourbillon mené d’une main de maître par un auteur qui n’a jamais peur de l’émotion où l’énergie du désespoir et la rage de vivre sont présentes à chaque page, où les relations familiales sont disséquées avec une acuité exceptionnelle. »

En souhaitant que ces commentaires vous convainquent, vous aussi, de découvrir l’univers de John Fante.

Ce que j’ai aimé : La forme et l’ambiance générale du récit. Le style et la qualité de l’écriture de Fante. L’émotion qui se dégage des situations et des dialogues.

Ce que j’ai moins aimé : -


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La nature de la bête – Armand Gamache enquête (Louise Penny)

Louise Penny. – La nature de la bête – Armand Gamache enquête. – Montréal : Flammarion Québec, 2016. 480 pages.


Polar






Résumé : Chaque jour, Laurent Lepage invente une catastrophe : des arbres qui marchent, un débarquement d’extraterrestres… Plus personne ne croit le garçon de neuf ans. Pas même Armand Gamache, qui a pris sa retraite à Three Pines. Cependant, quand l’enfant disparaît, il faut bien envisager que l’une de ses histoires est vraie. Une traque effrénée et digne des plus grands romans d’espionnage se met en branle lorsque Gamache et ses anciens lieutenants de la SQ, Jean-Guy Beauvoir et Isabelle Lacoste, déterrent l’authentique canon géant de Gerald Bull, ingénieur en armement assassiné à Bruxelles il y a vingt-cinq ans. Un monstre est autrefois venu à Three Pines, il y a semé le malheur et ce dernier est de retour. En refusant de prêter foi à un enfant, l’ex-inspecteur-chef n’a-t-il pas joué un rôle funeste dans ce qui est arrivé ?

Commentaires : Chaque fois que je termine la lecture d’une enquête d’Armand Gamache, je me dis que je ne récidiverai pas. Et je me fais prendre à chaque fois par le plus récent roman de Louise Penny.Toujours le même village imaginaire caché dans une vallée au cœur des Cantons de l’Est où on y aboutit par hasard et où se commet un nombre déraisonnable de meurtres. Mais un bled (si en croit Wikipédia, le village de Sutton où réside l’auteure en inspirerait le décor) qui est bien alimenté en produits de luxe et, apprend-on cette fois-ci, en crème glacée Coaticook que les fournisseurs réussissent à livrer alors que personne d’autre ne peut le repérer sur les cartes géographiques, y compris sur Google Maps.

Toujours les mêmes personnages : Gabri et Olivier, les proprios gais du gîte et du bistro, Myrna, l’ex-psychologue et libraire, Ruth, la poétesse un peu cinglée qui partage sa vie avec une oie, Clara, la peintre, évidemment Armand Gamache, sa femme Reine-Marie et son chien Henri, les policiers de la SQ Jean-Guy Beauvoir et Isabelle Lacoste, et quelques autres. Et chaque fois, la question se pose : lequel (ou laquelle) des habitants de ce village « diabolique » sera le prochain meurtrier.

Dans cette 11e enquête traduite en français, qualifiée, en quatrième couverture, d’ « enquête d’envergure mondiale » (l’expression est un peu exagérée, à mon avis), Louise Penny fait un lien intéressant avec l’affaire du canon géant de Gerald Bull. Le récit est assez bien ficelé bien qu’il traîne parfois en longueur pour s’étendre sur près de 480 pages. On y retrouve les éléments de la recette de l’auteur : mêmes invectives entre certains personnages, repas gastronomiques généralement à base de pommes chez les uns et les autres, liens internet et cellulaires quasi inexistants, le bistro comme centre de diffusion d’information et de potins et un dénouement heureux sans que le lecteur ait été confronté à un suspense haletant.

Personnellement, j’ai eu de la difficulté avec la crédibilité du récit. Seulement deux agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) sont dépêchés sur les lieux à la suite de la découverte de ce qui, normalement, aurait dû attirer un imposant contingent de militaires, de policiers de la SQ et d’agents de la GRC. Un petit groupe d’une demi-douzaine d’individus est à la recherche de la vérité, certains laissant croire que leurs intentions ne rejoignent pas nécessairement d’Armand Gamache et ses collègues de la SQ. Mais bon, il fallait limiter le nombre de personnages, surtout que Three Pines semble à peine plus grand qu’un mouchoir de poche.

À remarque que, cette fois-ci, ce roman ne contient pas de mentions ou jugements sur les us et coutumes québécois qui, dans des ouvrages antérieurs, démontraient parfois une connaissance douteuse de notre société. Commentaires décapants qui ont été souvent soulevés par de nombreux lecteurs.

Les romans de Louise Penny sont publiés en 25 langues. Ils constituent un divertissement littéraire auquel il est difficile de renoncer. Un outrage mortel, la 12e enquête d’Armand Gamache, vient de s’ajouter dans ma pile de lecture. L’ouvrage, « No 1 au palmarès du New York Times » est qualifié de « Dérangeant… Puissant… Intelligent… »

Ce que j’ai aimé : L’intégration de l’affaire Gerald Bull et les informations historiques qui y sont divulguées et qui semblent s’appuyer sur de sérieuses recherches de la part de l’auteur.

Ce que j’ai moins aimé : Une certaine redondance avec des situations décrites dans les romans antérieurs qui se justifie probablement pour mieux intégrer les nouveaux lecteurs.


Cote : ¶¶¶

Red Light T.1 Adieu, Mignonne (Marie-Ève Bourassa)

Marie-Ève Bourassa. – Red Light T.1 Adieu, Mignonne. – Montréal : VLB éditeur, 2016. 305 pages.


Roman noir







Résumé : Montréal, début des années 1920. Depuis son retour des tranchées, Eugène Duchamp, opiomane taciturne et infirme de guerre, vit reclus avec sa femme Pei-Shan dans un appartement miteux du quartier chinois. Quand une jeune prostituée frappe à sa porte pour le supplier de retrouver le bébé qui lui a été enlevé, l’ancien policier accepte de l’aider malgré ses réticences. Duchamp a beau répéter qu’il n’est pas détective privé, il sait qu’il est le seul à pouvoir élucider cette affaire dont les autorités se désintéressent. Son enquête prendra des dimensions insoupçonnées et le mènera des quais mal famés du port aux demeures patriciennes sur les hauteurs du mont Royal.

Commentaires : Comme l’indique la quatrième de couverture, ce roman noir « est le premier tome d’une trilogie qui nous transporte dans le quartier du Red Light de Montréal, où une faune bigarrée venait oublier ses malheurs dans les effluves de l’alcool de contrebande et la musique des cabarets ».  Et croyez-moi, dès les premières plages, le lecteur est plongé dans l’atmosphère glauque de ce quartier mal famé de la Métropole d’après la Première Guerre mondiale.

Tout est crédible dans cette fiction : les personnages crapuleux, les descriptions des lieux de débauche, les mentalités des différents groupes sociaux, la violence sous toutes ses formes même encouragée par les forces policières. L’auteure a aussi choisi d’écrire les dialogues dans une langue populaire et crue, avec parfois une certaine inconstance.

Dans un récit original et bien ficelé, direct et sans longueur, Marie-Ève Bourassa nous entraîne dans les péripéties d’une enquête qui progresse à un rythme qui suscite la curiosité et l’intérêt du lecteur. Passant des milieux les plus pauvres de la cité son lot de maisons closes, de prostituées, de piqueries, de cabarets plus ou moins louches sous la gouverne de mafieux acoquinés avec des policiers crapuleux, des orphelinats, des hôpitaux, des biens pensants de la haute bourgeoisie anglophone qui, lorsqu’on gratte un peu le vernis de la probité cache des objectifs pas toujours reluisants.

Un récit qui repose sur de nombreuses recherches permettant d’atteindre un réalisme tel que le lecteur est abruptement plongé dans l’ambiance glauque du Montréal des années 20. Hâte de lire la suite intitulée Frères d’infortune.

Ce que j’ai aimé : Tout : les personnages, l’intrigue, les descriptions des lieux.

Ce que j’ai moins aimé : -

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Le quatrième mur (Sorj Chalandon / Éric Corbeyran / Horne Perreard)

Sorj Chalandon / Éric Corbeyran / Horne Perreard. – Le quatrième mur. – Paris : Hachette (Marabout), 2016. 136 pages.

Bande dessinée







Résumé : L’idée de Samuel était belle et folle : monter l’Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre. En prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.

Samuel était Grec. Juif aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour il m’a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l’a fait promettre. À moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982. Main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m’offre brutalement la sienne… S. C.

Commentaires : Cette bande dessinée est inspirée de l’ouvrage de Sorj Chalandon lui aussi intitulé Le quatrième mur, paru aux éditions Grasset en 2013. Roman que je n’ai pas lu : je ne peux donc faire la comparaison entre les deux publications.

Ne vous attendez pas à une BD d’aventures rocambolesques. Le quatrième mur est avant tout une occasion d’échanges de points de vue entre les protagonistes. En suivant le parcours d’un jeune initié au projet de présentation de la pièce d’Anouilh, Georges, qui prend connaissance de la complexité du contexte politique, historique et religieux du Liban et de la Palestine. Confronté aux difficultés et aux obstacles de réaliser le rêve de son ami Samuel. Une démarche littéraire et artistique très documentée qui rend bien l’atmosphère de guerre continuelle et qui amène le lecteur à remettre en question certains préjugés sur des conflits quasi insolubles qui alimentent les médias.

D’un point de vue graphique, le choix du noir et blanc et des tons de gris s’imposait. Le cadrage de chaque image met l’accent sur l’essentiel. Les nombreux gros plans rapprochent le lecteur des personnages. Avec un découpage quasi cinématographique. Émotions garanties.

Ce que j’ai aimé : Le sujet. La qualité graphique qui permet de bien traduire les émotions et la désolation des paysages détruits par la guerre.

Ce que j’ai moins aimé : -


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Hors saison (Max Férandon)

Max Férandon. – Hors saison. – Québec : Alto, 2017. 164 pages.


Polar hors-normes








Résumé : Au Bonheur de Noël, on déniche tout l’arsenal festif nécessaire pour transformer votre demeure en havre à lutins… Décorations en tous genres, accessoires parfumés, gadgets scintillants… et un cadavre, ce qui refroidit passablement l’ambiance, surtout en octobre.

Qui a bien pu en vouloir à ce point à Jacques Jodoin, préposé à l’entretien aussi discret que taciturne ? Interrogés par l’inspectrice de la police de Québec Marina Duhaime, les membres du personnel ne semblent nullement correspondre au portrait qu’on se fait d’un exécuteur de concierge.

Entre en scène Antoine Paradis, célèbre cuisinier recyclé dans la création de repas d’avion, qui a connu Jodoin au cours d’une autre vie. Le nez au-dessus de l’affaire qui mijote, une concoction louche et plus épaisse qu’il n’y paraît, il sent que l’enquête est relevée par un zeste de vengeance, un soupçon de romance et des restes célèbres qu’on attendait plus.

Commentaires : Voilà un petit bijou avec au menu humour et poésie. À preuve, la première phrase du premier chapitre qui donne le ton : « Les traversiers cousaient le Saint-Laurent dans sa largeur et le vieux pont de Québec rêvait d’enjamber l’Amazone ».

Enfin un polar qui se démarque tant par la forme, le style et le récit original. Bien campé dans le Vieux-Québec, place de l’hôtel de ville où se font face la Mairie et la Basilique entre lesquels se déroule un drame qui risque de marquer le cours de l’histoire de la cité fondée par Samuel de Champlain. Une bouffée d’oxygène dans la littérature policière québécoise. L’humour corrosif d’un auteur originaire d’un petit village de la Creuse, établi à Québec depuis 1988, qui a le don de décrire la réalité québécoise à en faire rougir ceux qui se disent de souche. Certains passages m’ont fait rire aux larmes.

Un récit bien ficelé avec un suspense, quoiqu’en ait dit la critique, qui nous tient jusqu’à la fin : cadavres (car il y en a deux) et magot, qui a fait quoi ? Les lutins, les sœurs jumelles, la frange barcelonaise, le proprio sénile de La Romancerie, la décoratrice et son carnet des traversées entre Lévis et Québec… ? Et que dire de cette inspectrice à la personnalité atypique !

Définitivement, avec Hors saison, on ne s’ennuie pas. Cette fiction donne le goût de compléter cette découverte par les autres romans publiés par ce sympathique écrivain : Monsieur Ho (2008), La roue et autres descentes (2010) et un Lundi sans bruit (2014).

Je n’en dis pas plus et je vous invite à vous mettre sous la dent le menu alléchant (intitulés des chapitres) proposé par Max Férandon composé d’Endives braisées au canotier de l’île, de Ratatouille boréale, de Farfalle farniente, de Brunoise de citrons confis… Avec en finale : « Un voile d’écume habillait la lune et le vieux pont de Québec laissait tomber dans le Saint-Laurent des larmes de rouille. »

Plaisirs garantis.

Ce que j’ai aimé : Tout.

Ce que j’ai moins aimé : -


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Sourde rancoeur (André Bruneau)

André Bruneau. – Sourde rancœur. – Lanoraie : Les éditions de l’Apothéose, 2016. 403 pages.

Polar








Résumé : François Ricard assiste à un vernissage dans une galerie d’art du centre-ville de Montréal. Il y fait la connaissance de Claudia Monti qui, à la fin de la soirée, l’invite chez elle pour prendre un dernier verre. L’arrivée inopinée de Sébastien bouleversera la suite des événements.

Le lendemain matin, les médias annoncent la mort tragique de la jeune femme. Quelques heures plus tard, on découvre le corps de Sébastien dans la ruelle derrière chez elle. François Ricard a déjà quitté Montréal.

Julien Poirier est chargé de cette enquête qui s’avère un véritable casse-tête. Les circonstances donnent à penser que Claudia et Sébastien ont été tués par la même arme. Il est par contre difficile de croire que le même mobile ait pu s’appliquer à l’un et à l’autre. Claudia menait une vie rangée, alors que Sébastien était devenu une proie pour les dirigeants du crime organisé.

Aux autorités qui exigent de l’enquêteur des résultats immédiats, s’ajoutent les reproches d’Hélène, son épouse, une femme amère, dépressive et manipulatrice. Travailleur acharné, aux méthodes peu orthodoxes, Poirier subit de plus en plus difficilement cette pression, au point que sa santé s’en trouve affectée.

Commentaires : Sourde rancœur est le deuxième roman publié par André Bruneau, un auteur résidant dans la ville Québec. Plus achevé que le précédent, Dommages collatéraux qu’il avait publié, à compte d’auteur, en 2012. Dans ce deuxième opus, on a affaire un polar des plus classiques : des assassinats difficiles à résoudre de prime abord, une enquête qui traîne (un peu trop) en longueur, un détective-enquêteur aux prises avec ses problèmes personnels (conjugaux, psychologiques et physiques). Avec une finale qui prend presque l’allure d’une romance à l’eau de rose, un « coït interrompu » par un drame qui semble annoncer une suite.

En soi, le récit est assez bien ficelé, quoique plusieurs longueurs ont tendance à étirer la sauce et certaines invraisemblances influent sur le suspense attendu dans cette littérature de genre. Par exemple, il est peu crédible qu’un policier de la Sûreté du Québec se fasse voler, sur le stationnement d’un motel, son véhicule après avoir été assommé par un prof d’université qui n’a rien des caractéristiques d’un truand. Sans compter ces rappels constants des problèmes conjugaux de l’enquêteur Poirier qui deviennent irritants, de chapitre en chapitre. À mon humble avis, le tout aurait eu avantage à être un peu plus condensé : j’avoue qu’après 200 pages, j'attendais avec impatience dénouement de cette histoire qui oscille entre l’enquête policière et les états d’âme du personnage principal qui pourrait se résumer par cette phrase en page 8 : « Cela ne l’empêchait pas d’être miné de l’intérieur, de ressentir une angoisse permanente et de se questionner sur les raisons d’être de sa vie. ». D’où le titre Sourde rancœur.

Il faut toutefois mettre en évidence la qualité d’écriture de l’auteur qui s’est documenté sur les méthodes d’investigation policière. Les dialogues entre les personnages sont omniprésents; ils contribuent à dynamiser le texte découpé en 60 courts chapitres.
  
Ce que j’ai aimé : L’intégration du récit dans la trame urbaine de Montréal. L’illustration de la couverture qui attire l’œil, bien qu’elle ne représente pas une rue montréalaise (N Limestone).

Ce que j’ai moins aimé : La quasi-absence de suspense et l’approche classique de l’auteur.


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